Une nouvelle forme de protectionnisme européen à la française vient de voir le jour dans un domaine où la concurrence avec la Chine est particulièrement vive: les panneaux photovoltaïques. Le gouvernement a en effet publié deux arrêtés parus au Journal officiel, jeudi 31 janvier qui établissent un distinguo dans les tarifs de l'électricité solaire payés aux producteurs. En résumé, cette nouvelle législation va favoriser les panneaux français et européens: sa principale mesure consiste à majorer de 5% les tarifs auxquels EDF rachète l'électricité d'origine photovoltaïque en France lorsque les cellules ou les panneaux sont "made in Europe", et de 10% lorsque c'est le cas pour les deux.
"Fragile juridiquement"
Problème, cette disposition est jugée "fragile juridiquement" par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Dans un avis du 20 décembre dernier, le régulateur du secteur, chargé de donner son avis sur le projet de d'arrêté, mettait en cause la conformité du texte tant vis-à-vis du droit interne que du droit européen et international.
Sur le premier point, la CRE constatait "que le projet d’arrêté n’est accompagné d’aucun élément de justification permettant d’évaluer la pertinence du critère de l’origine européenne pour la contribution à la réalisation des objectifs définis à l’article L.121-1 alinéa 2 du code de l’énergie -tels que la contribution du dispositif à la lutte contre l’effet de serre ou à la maîtrise des choix économiques d’avenir- et d’établir, ainsi, sa conformité à l’article L.314-7 du code de l’énergie et l’absence d’atteinte au principe d’égalité". Sur le plan international ensuite, la Commission rappelle que le texte doit "respecter le principe européen de la libre circulation des marchandises, ainsi que les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce à laquelle la France est partie".
"Risque de discrimination"
"La CRE souligne qu'il peut exister un risque de discrimination envers les entreprises européennes qui auraient recours à des produits fabriqués hors de l'espace économique européen", explique Me Arnaud Marchand, avocat associé du cabinet Carakters en charge du pôle droit public. "La seconde faille de l'arrêté, ajoute le juriste, est qu'elle institue une préférence communautaire. Sauf que la seule autorité compétente pour instaurer une telle préférence est l'Union européenne et non les Etats membres".
Précédents
D'ailleurs certains pays s'y sont frottés et l'addition sera peut-être salée. "Les autorités chinoises ont, en effet, engagé une procédure le 5 novembre 2012 auprès de l’OMC contre l’Union européenne, l’Italie et la Grèce au sujet de certaines mesures affectant la production d’énergie renouvelable, notamment celles concernant les restrictions relatives à la teneur en éléments d’origine nationale des installations bénéficiant d’un tarif d’achat garanti", rappelle la CRE.
Pour autant, Me Arnaud Marchand n'imagine pas que la France puisse courir un pareil risque. Selon lui, les producteurs vont certainement se plier d'eux-mêmes à ce dispositif, les panneaux "made in UE" n'étant pas beaucoup plus chers que les "made in China". Néanmoins, les distributeurs pourraient être moins conciliants. Surtout ceux qui auraient structuré leur réseaux d'approvisionnement avec des fournisseurs non européens. Pour rester compétitifs, cela les contraindrait à restructurer leur réseau avec des producteurs européens...
1 poste sur 2 détruit
Il n'empêche. La ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, a décidé de voir le verre à moitié plein et de se lancer. "Il s'agit de mesures d'urgence attendues pour mettre un coup d'arrêt aux destructions d'emploi et soutenir la filière photovoltaïque dans l'attente des conclusions du débat sur la transition énergétique. Nous devons maintenir notre outil industriel pour les énergies renouvelables", avait-elle insisté lors d'une visite d'usine. Car selon les estimations de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), 14.500 emplois ont été détruits dans la filière photovoltaïque entre 2010 et 2012, soit près d'un poste sur deux en France.
L'idée est donc de remédier à ce fléau. Et la méthode semble fonctionner puisque le fabricant de panneaux situé dans l'Isère Photowatt a décidé de rapatrier l'assemblage de ses panneaux solaires en France… sans pour autant embaucher. "Aucune entreprise de fabrication de panneaux photovoltaïques ne gagne aujourd'hui de l'argent. L'enjeu est de survivre, de passer ce cap difficile (...) dans une concurrence internationale très forte", avait souligné Olivier Paquier le PDG d'EDF ENR (qui avait racheté Photowatt alors qu'elle était en redressement judiciaire), lors d'une visite de la ministre.
Ces mesures doivent être complétées par le lancement d'un appel d'offres gouvernemental pour des nouveaux parcs solaires, pour un total de 400 mégawatts. Celui-ci, en cours d'élaboration par la CRE, doit être lancé en mars, selon un calendrier diffusé cette semaine par le ministère de l'Ecologie. Peut-être un nouveau rayon de soleil en vue pour les acteurs du secteur.
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