TuNur, un des projets actuels de centrales solaires les plus intéressants, espère produire dans le désert tunisien autant d’énergie renouvelable que deux centrales nucléaires et l’acheminer, grâce à des lignes haute tension de 1000 km, vers les réseaux européens et alimenter ainsi plus de 2 millions de foyers.
D’un coût total de 10 milliards d’euros, le projet Tunur est un partenariat entre le développeur d’énergie solaire britannique Nur Energie et des investisseurs tunisiens, maltais et britanniques, notamment Low Carbon, une société basée à Londres.
Projet ambitieux, il est aidé par de nouveaux facteurs majeurs :
- l’amélioration du rapport coût-efficacité des câbles sous-marins de transport d’électricité,
- la baisse du coût des technologies de production d’électricité solaire,
- le plan climat de l’Union européenne (ou paquet climat-énergie),
- et enfin le changement de politique énergétique tunisienne qui tend vers la libéralisation du marché.
Energie solaire concentrée
Grâce à cette nouvelle donne, TuNur servira de référence pour d’autres projets futurs.
Du point de vue technologique, le projet apparaît tout à fait réalisable. Il prévoit d’utiliser l’énergie solaire concentrée (ESC) au lieu des panneaux solaires photovoltaïques (PV).
D’ici à 2018, le projet devrait pouvoir produire 2,5 GW d’électricité en utilisant une surface de 100 km2 de désert située au sud-ouest de la Tunisie. Il est prévu une perte en ligne d’environ 3% liée au transport de l’électricité vers l’Italie via le câble sous-marin.
Concrètement, des milliers de miroirs réfléchiront les rayons du soleil vers un récepteur central placé au sommet d’une tour. Cela dans le but de chauffer des sels fondus (sels en phase liquide) et produire une vapeur qui actionnera des turbines. Une autre innovation importante du projet consiste en la capacité de stockage. En chauffant les sels pendant le jour et en libérant la chaleur emmagasinée pendant la nuit, ce qui permettra de produire une énergie fiable et… renouvelable !
Une baisse du coût plus rapide que celle des photovoltaïques
Si TuNur est envisageable, c’est en partie grâce à la diminution des coûts de production de l’énergie solaire concentrée.
Comme le souligne Jonathan Walters, ancien directeur de la Banque mondiale et conseiller du projet TuNur :
« L’ESC est produite avec des matériaux comme l’acier et verre. Les coûts diminuent rapidement en fonction de la quantité.
Il n’est donc pas surprenant que la baisse du prix de cette énergie soit plus rapide que celle des panneaux solaires photovoltaïques, pourtant de plus grande hauteur.
Même si leur prix a baissé de moitié au cours des cinq années, les panneaux sont plus complexes à fabriquer et ont besoin d’alliages de métaux rares. »
Cependant pour être un succès financier, TuNur aura quand même besoin de la mise en place d’un système de tarif d’achat (Feed-in Tariff).
Le projet espère d’ailleurs obtenir, de la part du gouvernement britannique, la garantie d’un prix minimum 20% moins cher que celui de l’éolien offshore. Daniel Rich, chef de l’exploitation de Nur Energie, affirme :
« La différence des prix ne permet pas actuellement d’importer de l’énergie solaire. Cependant, au regard de ses prix compétitifs et des prévisions de production, TuNur est, depuis un an, en discussion avec le ministère britannique de l’Energie et du Changement climatique pour essayer de changer cette situation et établir un mécanisme adapté. »
La priorité de TuNur : cibler les marchés allemand et britannique
TuNur envisage également de nouvelles opportunités avec d’autres pays européens tels que l’Allemagne, la France ou la Suisse… Pour Daniel Rich :
« L’ECS avec son système de stockage est une alternative intéressante au nucléaire, et nous voulons cibler en priorité les marchés allemand et britannique. »
Mais tout n’est pas si simple car, aussi important que soit TuNur, les processus pour obtenir des subventions de la part des Etats nationaux pour un tel projet sont très complexes.
Et cela confirme toute l’importance du rôle de l’UE dans la mise en place d’un cadre clairement défini, d’un soutien à l’investissement stratégique et peut-être même dans la coordination en tant que principal acheteur d’énergie renouvelable.
D’ailleurs un récent communiqué de la Commission européenne informe :
« Dans le cadre d’une revitalisation de sa diplomatie en matière énergétique et climatique, l’Union européenne utilisera tous les instruments de sa politique extérieure pour établir des partenariats énergétiques stratégiques avec des pays producteurs et des pays ou régions de transit qui gagnent en importance. »
De plus le plan d’action UE/Tunisie engage l’Union européenne à ouvrir progressivement son marché aux acteurs de la production d’énergie tunisiens.
Questions sur le rôle du Parlement tunisien
De plus, le Parlement européen appelle à investir une partie des 80 milliards d’euros dédiés à la recherche et le développement (dont 60% sont affectés au développement durable) chez ses voisins des régions méridionales et orientales.
Une solution pour atteindre ses objectifs dont un est d’atteindre, d’ici 2030, 27% en matière d’intégration des énergies renouvelables. Et cela sur l’ensemble du territoire européen plutôt que de le répartir entre les Etats membres avec des objectifs individuels.
La dernière condition dépend de l’aptitude du nouveau gouvernement de Tunisie à créer un environnement propice aux investissements à long terme. Même si une nouvelle loi permettant l’exportation d’électricité a été votée en 2014, il reste encore de nombreuses questions quant au rôle exact du Parlement tunisien dans la supervision des nouveaux projets énergétiques.
Un projet qui doit bénéficier aux économies locales
Riccardo Fabiani, conseiller principal pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Eurasia Group, est optimiste :
« Il existe des risques, mais ils sont nettement plus faibles que dans le reste de la région. Pour la première fois depuis longtemps, nous voyons un pays arabe qui peut introduire des reformes propres à améliorer la transparence et transformer positivement son climat d’investissement. »
L’exportation d’énergie solaire à grande échelle d’Afrique du Nord vers l’Europe était envisagée depuis longtemps. Un des leçons à tirer de l’échec du projet Desertec est que l’investissement étranger direct dans les projets d’exportation d’énergie doit bénéficier aux économies locales.